Honoré Mercier (1840-1895) fût Premier ministre du Québec de 1887 à 1891. Il s’agit de l’un des plus illustres politiciens que le Québec a jamais connu. Visionnaire et patriote, son nom est pourtant aujourd’hui plutôt méconnu, tout comme la plupart de nos personnages historiques importants. Nos jeunes, notre avenir, endoctrinés en apologistes du mondialisme inculqué dans nos écoles converties en laboratoires orwelliens, méconnaissent les œuvres classiques, la littérature, la culture générale et tout spécialement notre histoire nationale.
Notre société, aseptisée, gavée de rectitude politique, censure l’art et les opinions qui sortent du schéma narratif dominant (celui de la gauche mondialiste), amenuise toute forme de nationalisme et décourage la valorisation de notre passé catholique. À travers les siècles, la civilisation occidentale a toujours su progresser – sauf en temps de guerre – et se développer : par la science, la médecine, la technologie, l’architecture, l’essor des libertés individuelles, l’amélioration des principes démocratiques, l’abolition de l’esclavage, etc. Le discours autoritaire des trolls de la gauche régressive, soutenu par le biais médiatique, a atteint toutes les sphères de la société – ce qui comprend la classe politique par peur d’être ostracisée, humiliée, attaquée sur les réseaux sociaux, étiquetée de mille et une façons, ou par militantisme assumé. Une idéologie imposée qui installe un climat social malsain, conflictuel, dévastateur et qui annonce à l’Occident des jours très sombres. L’aspect grégaire des politiciens québécois nous entraîne forcément dans le même tumulte. Notre identité historique se fragilise donc rapidement.
Un renouveau patriotique doit émerger. Ce nationalisme moderne diffère, évidemment, de celui professé dans le passé. Une survivance quotidienne modelait les contemporains de la Conquête de 1759 ; le désir d’un gouvernement responsable démocratiquement élu anima les années 1830 jusqu’aux rébellions de 1837-1838 ; l’appel à la souveraineté canadienne et aux forces canadiennes-françaises guida entre autres Honoré Mercier et Henri Bourassa ; l’idée d’un État français du Québec a pris racines avec les écrits et le nationalisme des années 1920-1930 qui avaient à sa tête Lionel Groulx ; le duplessisme a, lui, permis des gains autonomistes importants ; puis la révolution tranquille dota le Québec d’outils économiques et sociaux qui allaient ensuite culminer avec le mouvement séparatiste et les deux référendums ; il ne faut pas oublier les crises constitutionnelles qui revigorèrent la flamme nationaliste après l’échec de 1980 et le désastre du rapatriement de la constitution. En 2018, le nationalisme est tombé à plat ou presque. Le Québec est amorphe comme un peu partout en Occident. Mais un rien peut rallumer la flamme car en-dedans d’eux, les Québécois se savent différents, uniques et surtout inquiets de leur avenir.
Le Québec de souche européenne fait face à un mondialisme exterminateur. Où se cache désormais l’indispensable leadership nationaliste ? Assurément, des groupes de citoyens s’organisent, des médias indépendants s’animent, mais la classe politique, elle regarde ailleurs : le PQ agonise, le nationalisme caquiste sonne faux, le PLQ est à la solde des mondialistes et QS est gangrené par les marxo-communistes. La réussite du nationalisme passe par une force rassembleuse et vigoureuse, par un esprit de corps qui saura relever les manches. Le Québec a déjà eu de ces hommes charismatiques capables de soulever les foules. Bien avant René Lévesque, il y a eu Honoré Mercier.
J’ai passé les dernières semaines à lire les discours de ce grand homme québécois. Ouvrage de référence essentiel à la bibliothèque québécoise, tout nationaliste doit s’aventurer dans les mots de Mercier. Le bouquin résume sa carrière politique prolifique sans passer sous silence ses mauvais coups, sa chute et son désir de rédemption. Victime de la partisanerie politique qui, à cette époque, était sans pitié et contribuait à affaiblir le Québec, Mercier n’aura pas su se faire justice et faire de gains autonomistes importants pour le Québec. Néanmoins, la vigueur et la solidité de son discours entra dans la légende et insuffla une dose de confiance à un peuple qui en a toujours eu besoin. Mercier dérangeait. La population l’adulait mais ses ennemis politiques et médiatiques se sont acharnés sur lui, le conduisant à sa déconfiture, à sa disgrâce, à sa ruine personnelle et à une santé chambranlante. Pour lui, le patriotisme, les réussites collectives et l’unité nationale primaient sur tout le reste, c’est-à-dire sur les luttes fratricides, intestines et partisanes. Les intérêts de la patrie avant toute chose. Bien qu’elle fût méprisée par des rivaux jaloux et carriéristes, sa conception de la vie publique et parlementaire, qui s’exprimait par des appels à la collaboration et à la solidarité politique, doit servir de leçons pour notre classe politique actuelle ; c’est la marche à suivre si nous voulons poursuivre cette belle épopée française d’essence catholique en Amérique. Est-ce utopique de croire à un tel dénouement ? Sans aucun doute. Dans la jungle politique, l’ego, la superficialité et l’odeur du pouvoir prédominent encore très largement.
« Nos ennemis sont unis, dans leur haine de la patrie française ; et nous, nous sommes divisés dans notre amour de cette chère patrie. Pourquoi ? Nous ne le savons pas ! Nous sommes divisés parce que la génération qui nous a précédés était divisée. Nous sommes divisés parce que nous avons hérité des qualifications de rouges et de bleus ; parce que le respect humain nous dit de nous appeler libéraux ou conservateurs […]. Brisons, messieurs, avec ces dangereuses traditions ; sacrifions nos haines sur l’autel de la patrie ; et dans ce jour de patriotiques réjouissances, au nom et pour la prospérité de cette province de Québec que nous aimons tant, donnons-nous la main comme des frères, et jurons de cesser nos luttes fratricides et de nous unir [1] ».
Ce message contraste, hélas, avec l’exercice du réel puisque nos « luttes fratricides » ne nous ont jamais vraiment quittées. C’est encore plus vrai en 2018. Cette unité ethnique serait, aujourd’hui, devant le dynamisme des mondialistes, une réponse rêvée pour les nationalistes identitaires. Outre sa mentalité réunificatrice, Mercier positionnait aussi l’éducation comme point d’ancrage au développement et à l’émancipation du Québec.

« L’instruction élémentaire, messieurs, c’est la première nécessité d’un pays constitutionnel. […] Aux constitutions, comme aux édifices, il faut un sol ferme et nivelé. L’instruction donne un niveau aux intelligences, un sol aux idées. L’instruction des peuples met en danger les gouvernements absolus ; leur ignorance, au contraire met en péril les gouvernements représentatifs, car les débats parlementaires, pour révéler aux masses l’étendue de leurs droits, n’attendent pas qu’elles puissent les exercer avec discernement [2] ».
Pour lui, l’école, la lecture et la culture étaient le cœur de son action politique car elles étaient les principes de base de la démocratie, du patriotisme et du progrès collectif. Une population instruite détectera les abus des gouvernements et élèvera notre culture, nos arts, notre langue et notre économie. Période décisive d’un parcours scolaire d’un jeune, l’apprentissage de notre histoire nationale solidifie notre fierté, notre patriotisme et notre joie de vivre. Pour atteindre ce but, il faut un enseignement d’une qualité exceptionnelle, présenté par des passionnés suivant des concepts rigoureux, factuels, nationalistes et dénués de révisionnisme historique, particularité d’une gauche mondialiste moderne pour qui l’homme blanc représente le racisme, l’esclavagisme et la tyrannie.
Les dérives du mondialisme n’épargneront donc pas certains personnages morts depuis fort longtemps, alors que les mœurs et les valeurs qui guident chaque époque ne sont pas nécessairement celles du 21è siècle. Il faut cesser de voir le passé avec une lunette de 2018. Tout simplement.
Mercier symbolise la forme de nationalisme québécois que nous devons ranimer. Sa vision autonomiste, sa confiance d’un Québec aux premiers rangs de la confédération canadienne et son vibrant optimisme – il avait une affection particulière pour le patrimoine, la terre, les institutions, la langue et le catholicisme – n’auront pas empêché quelques reculs : par exemple l’émigration en masse des Canadiens français s’est poursuivie longtemps après sa mort et la place du Québec dans le Canada s’est réduite peu à peu.
La venue du 20 siècle rappela notre fragilité. Jules Lantagnac, personnage fictif de Lionel Groulx chez qui « l’appel de la race » surgit, constituait alors une exception – littéraire. L’assimilation des Franco-américains, la minorisation et le sort regrettable réservé aux francophones de l’ouest canadien (pensons surtout au Manitoba) et notre insensibilité nationaliste, phénomène vivement condamné par Groulx, l’Action française et certains intellectuels, isolèrent un Québec devenu vulnérable et sans défense dans un Canada anglo-saxon assimilateur. Il faudra attendre le duplessisme puis les années 60 pour revoir le Québec debout, confiant et maître de son destin.
Avec le recul historique nécessaire, nous pouvons maintenant conclure que Mercier était un exemple de courage et de volonté et que cet homme remarquable a certes commis des erreurs stratégiques dont celle de surestimer le patriotisme de ses adversaires. Néanmoins, il aimait son peuple. Fortement ambitieux pour lui, il y voyait un potentiel immense, ému par ses racines historiques, son énergie, sa détermination, sa solidarité, sa résilience et ses valeurs. Il n’agissait à priori que pour la patrie, pour ses semblables, pour l’intérêt public. Le Québec a besoin dès maintenant de l’avènement d’un Honoré Mercier version 2.0, un guide, un mentor, un chef, pour qui la nation l’emporte sur les querelles partisanes, les gains électoraux ou la simple popularité.
Les politiciens mondialistes à la Philippe Couillard, funestes à la destinée identitaire de notre peuple, n’apportent rien de bon, ils ne causent qu’un tort considérable et durable. Le Parti libéral du Québec (PLQ), né du mouvement patriote et jadis fer de lance du nationalisme québécois, et qui fut entre autres dirigé par Mercier de 1883 à 1892, montre aujourd’hui un visage hideux avec son ramassis d’opportunistes et d’arrivistes là seulement pour le pouvoir ; un parti de pouvoir pour qui la victoire à tout prix prévaut sur l’avenir même de la nation.
Les minorités culturelles, ensorcelées par le discours alarmiste libéral axé sur la peur d’un autre référendum et d’une hypothétique souveraineté du Québec, séduites aussi par l’aspect rassurant et pantouflard du PLQ, constituent maintenant un électorat fidèle et naturel à un parti qui autrefois, nageait dans le nationalisme. Sa base électorale est non plus la majorité historique mais les immigrants et la communauté anglophone – voilà un revirement historique majeur dans l’histoire du Québec. Cette immigration de masse, atout à la cause libérale, écrase les ambitions identitaires du Québec, celles absolument décisives pour notre survie. Le PLQ a déjà été un grand parti. Sous le règne de Philippe Couillard et de Jean Charest, il aura atteint la médiocrité et un niveau de dangerosité sans précédent.