AVERTISSEMENT : Ce n’est pas l’agent en assurance de dommages en moi qui signe ce texte mais bien le citoyen engagé.
Les sinistres majeurs sont plutôt rares mais frappent l’imaginaire. Les médias en font leurs choux gras. Heureusement pour les gens et les assureurs, l’exercice du réel montrent plutôt des incidents mineurs qui dérangent tout de même la vie du sinistré – un dégât d’eau est si vite arrivé. Habituellement les petits sinistres se règlent assez vite et plutôt efficacement – c’est un expert en sinistre certifié, un professionnel de l’assurance, qui s’en occupera. Si les sinistres majeurs effraient les assureurs, c’est d’abord la fréquence de sinistres qui est devenu, avec les années, l’un des enjeux importants de l’industrie de l’assurance de dommages : le fléau des dégâts d’eau qui est bien présent pour les immeubles à condos est là pour nous le rappeler. Les assureurs prendront éventuellement des mesures pour venir corriger la situation (hausse de prime et des franchises et nous vivrons aussi sans doute un resserrement des normes des assureurs si ce n’est que l’abandon de certains assureurs du marché des condos. Mais c’est un autre sujet.
Le risque d’un sinistre majeur est pourtant bien réel. Perdre son chez-soi bouscule une vie, En fait, il la change drastiquement et ce même lorsque nous sommes assurés. C’est repartir à zéro ou presque. Même l’immeuble le mieux entretenu au monde n’est pas à l’abri d’une catastrophe et d’une perte totale. Au-delà des drames humains d’une tristesse inouïe (blessures corporelles importantes menant à un handicap ou à un décès tragique) qui peuvent hélas survenir, il y a également la perte de son confort, de sa liberté, de sa fierté, de sa routine, de ses souvenirs, de ses petites choses qui nous font du bien qui peuvent venir nous atteindre psychologiquement. Rien ne remplacera le bonheur d’être à son domicile entouré d’objets familiers.
Si l’argent ne règle évidemment pas tout, il permet néanmoins après un sinistre majeur de retomber plus vite sur ses pattes et de retrouver plus rapidement un semblant de vie normale. Il permet ainsi de rendre la transition plus agréable et de moins dépendre des autres. C’est ici qu’intervient l’assurance habitation (qui regroupe plusieurs sous-catégories comme l’assurance locataire, l’assurance propriétaire occupant, l’assurance copropriétaire occupant). Cette assurance, selon les conditions présentes sur le contrat, permettra entre autres de se reloger temporairement, de s’habiller, de manger, de racheter des biens, etc. L’expert en sinistre, lui, rassurera, guidera, accompagnera, autrement dit, il prendra en charge les besoins de l’assuré. Une assurance, même incomplète ou tout simplement de base sans flafla, donne un peu de répit et de réconfort à des gens des plus désespérés et paniqués.
Nous entendons fréquemment parler de familles qui, à la suite d’un incendie, se retrouvent à la rue, sans rien, dépendants des autorités et des organismes de charité (entre autres de la Croix-Rouge) pour se loger…et survivre. Ces familles ont tous quelque chose en commun : elles ne sont pas assurées. Mais pourquoi une telle résistance ou une telle négligence ? L’assurance locataire ou logement n’est-elle pas simple à souscrire ? n’est-elle pas normalement très abordable ? n’est-elle pas essentielle ? Il est facile d’en comprendre les principales raisons : l’insouciance, un oubli, des problèmes financiers, un bail qui ne comporte pas de clause obligeant de détenir une assurance, le peu de biens à assurer, un déménagement, louer un appartement de manière temporaire, la mauvaise réputation de l’industrie de l’assurance, etc. L’absence d’une assurance de base est un phénomène répandu qui devient, toutefois, de plus en plus intolérable – la tranquillité d’esprit n’a pas de prix. Il est pourtant facile de s’assurer sans nécessairement accepter les multiples avenants et clauses pouvant venir alourdir le contrat ou augmenter la prime. Le consommateur ne le comprend pas toujours.
Il faut redorer encore et encore l’image de l’industrie. Déjà, par le biais de différentes législations et obligations, l’agent, le courtier ou l’expert en sinistre doit détenir une formation reconnue et un permis valide. De plus, le professionnel de l’assurance est soumis à un code de déontologie strict et doit continuellement se mettre à jour par entre autres la formation continue. L’agent ou le courtier n’est plus celui qui frappe à la porte, valise à la main, pour « vendre de l’assurance » ni même un « tout croche » un peu louche voulant soutirer de l’argent et flouer les gens. C’est quelqu’un qui connait son métier et qui est encadré par diverses mesures professionnelles et juridiques.
Pourquoi pas une loi ?
Il serait donc intéressant d’envisager, un peu comme pour l’assurance automobile, une forme d’assurance locataire obligatoire – pour ne plus être les témoins de ces drames où une petite famille se retrouve sans autre option que de demander de l’aide de dernier recours. C’est pourquoi le gouvernement québécois, par son rôle de législateur, doit doter le Québec d’une loi imposant à tout locataire (résidentiel) de détenir une assurance de base.
Le but n’est pas ici ne venir expliquer en détail, point par point, la mise en œuvre d’une telle loi mais bien de susciter le débat et d’en faire comprendre le contexte et l’importance. Ainsi, la loi viendrait prévoir qu’une clause de type « assurance locataire obligatoire » devra se retrouver dans le bail que signe un locataire et que le propriétaire aura à valider si le locataire possède effectivement une assurance conforme sans quoi il pourrait déchirer le bail sans pénalité et l’expulser (prévoir un délai pour l’expulsion) – une attestation d’assurance traditionnelle d’un assureur certifié suffira.
Comment peut-on s’assurer que les parties respectent la loi ? Il ne faut surtout pas créer un – autre – organisme public de surveillance, une « escouade d’assurance ». L’État a d’autres priorités et n’a pas encore une fois à alourdir la bureaucratie, à s’immiscer continuellement dans la vie des gens et à emmerder les propriétaires qui en ont déjà plein les bras avec la Régie du logement et autres bébelles gouvernementales. En assurance automobile par exemple, c’est lors de la prise de possession d’un véhicule ou par une demande des forces policières lors d’une intervention routière de routine (excès de vitesse, etc.) que le conducteur doit montrer patte blanche et présenter son permis de conduire, son immatriculation et sa preuve d’assurance (petit papier que l’on met dans son portefeuille) : les conséquences peuvent être multiples si le conducteur fautif n’a pas l’un de ces documents. Une loi sur l’assurance locataire obligatoire devra donc prévoir un processus simple de surveillance qui ne viendra pas empiéter inutilement dans le quotidien des gens – joindre une preuve d’assurance avec son rapport d’impôt ? remettre la preuve lorsque le service d’incendie d’une municipalité fait une inspection de routine dans un bâtiment ou un appartement ?
À l’heure actuelle, le locataire qui détient une assurance logement démontre du respect vis-à-vis le bien de son propriétaire et aussi une forme de crédibilité financière et morale puisque pour s’assurer il aura dû passer à travers le processus de souscription d’un assureur. Ne pas détenir d’assurance dénote de la nonchalance mais est aussi annonciateur de problèmes.
Les débats qui vont entourer un futur projet de loi amèneront inévitablement des questionnements et des incertitudes : sur les paramètres d’application, sur les conséquences à ne pas être assuré (que ce soit avant ou après un sinistre : inéligibilité à toute aide gouvernementale, amendes, etc.), sur les incitatifs financiers, sur la campagne d’information et de sensibilisation, si le propriétaire de l’immeuble doit lui aussi souscrire une assurance minimale (en responsabilité civile) sachant pertinemment que les institutions financières (créanciers hypothécaires) imposeront de toute façon aux emprunteurs, c’est-à-dire les propriétaires, d’assurer le bâtiment ou le bien immobilier assujetti au prêt – le propriétaire de l’immeuble pourrait, au même titre qu’un créancier qui refuserait de financer un emprunteur sans assurance, dire « non » à un locataire potentiel qui se cherche un appartement sans vouloir fournir une preuve d’assurance (la loi ou le Code civil devra aussi sévir face au locataire qui, par mauvaise foi, annule son contrat d’assurance volontairement après avoir fournit sa preuve d’assurance
Une telle loi peut paraître à priori assez sévère et liberticide, c’est vrai, mais l’assurance n’est ni un luxe ni un caprice : c’est prévenir en cas de pépins et mettre de l’avant le bien-être et la sécurité de sa famille. .
Certains avantages d’une telle loi
Tout d’abord, une telle loi assainirait les relations entre le propriétaire et le locataire puisque le propriétaire ne ferait qu’appliquer la loi en demandant à son locataire de s’assurer (plutôt que d’insister, de se faire menaçant).
De plus, le locataire, obligé d’avoir une assurance et donc de payer une prime, sera plus attentif et plus rigoureux dans l’entretien de son appartement sans quoi les réclamations s’accumuleront…et sa prime augmentera. De son côté, le propriétaire qui subit des dommages par la faute d’un locataire pourra, après s’être fait indemnisé par son assureur, espérer que ce dernier recouvre les dommages payés auprès de l’assureur du locataire, contribuant ainsi à réduire les impacts négatifs sur le dossier d’assurance du propriétaire.
Cette loi faciliterait aussi le règlement des sinistres et des poursuites devant les tribunaux – la loi précisera noir sur blanc les obligations du locataire et du propriétaire. L’assurance est un contrat de bonne foi et la signature d’un bail n’est pas une chose à prendre à la légère.
Une assurance obligatoire amenuisera, si on veut, la détresse psychologique des sinistrés tout en laissant une marge de manœuvre plus grande aux organismes qui viennent en aide aux plus vulnérables de la société – mettre l’accent sur le décrochage scolaire, l’itinérance, les diverses dépendances, etc.
Il ne faut pas passer sous silence l’impact financier d’un sinistre pour le locataire sans assurance ni même les mesures préventives proposées par l’assureur pour venir réduire la prime ou le risque – installer un avertisseur de fumée ou de monoxyde de carbone, proposer un carnet d’entretien – et pour tenter de faciliter le règlement d’un sinistre – prendre des photos des lieux, faire une liste de ses biens, prendre une assurance supplémentaire pour venir couvrir certains biens précis comme les instruments de musiques, les vélos, les antiquités, les collections.
Les assureurs devront bien sûr s’ajuster car une assurance locataire obligatoire entrainera inévitablement plus de demandes, plus d’appels, plus d’analyses. Ils auront à mettre à jour leurs politiques de souscription, à revoir leurs formulaires, à offrir de nouveaux services, à réassurer certains dossiers, à développer de nouveaux produits et programmes,
La définition d’une police de base
Mais qu’entend-on par l’expression « police de base » ? Qu’est-ce que la loi doit imposer ?
Selon la Loi sur l’assurance automobile :
« (…) le propriétaire de tout véhicule automobile circulant au Québec doit avoir un contrat d’assurance de responsabilité civile d’un montant minimal de 50 000$. Cette protection couvre le détenteur de la police contre les poursuites qui découlent principalement de dommages matériels : les dommages corporels étant couverts par la S.A.A.Q. Il s’agit donc au sens de la loi d’une assurance obligatoire (1). »
Sous la nouvelle loi sur l’assurance locataire obligatoire se cacherait la même philosophie, le même principe qu’en assurance automobile, mais avec quelques extras. Si on se limitait simplement à la responsabilité civile, ce qui serait déjà très bien, on ne parlerait donc que des dommages causés à un tiers pouvant mener à une poursuite du propriétaire, des autres occupants, des assureurs (en subrogation) ou de toute personne blessée par l’assuré (la responsabilité civile est générale et étendue et vient aussi protéger l’assuré en-dehors de son appartement). Une telle clause viendrait pallier à une poursuite couteuse pouvant mener à la faillite.
Mais l’assurance de base doit comporter plus de garanties. Le principe derrière cette loi serait de permettre à un locataire de pouvoir subvenir temporairement à ses besoins suite à un sinistre le mettant à la rue – ses dommages directs – par la présence d’une garantie pour ses biens meubles et d’une autre pour ses « frais de subsistances supplémentaires que vous devez payer pour vous loger, vous nourrir et vous déplacer parce que vous ne pouvez résider à votre domicile à la suite d’un sinistre qui est couvert par votre contrat d’assurance (2). » La limite minimale proposée pour assurer les biens meubles peut par exemple se chiffrer à 5 000$ et ne comprendre que certains risques spécifiés comme l’incendie, le vent et la foudre – les risques les plus dévastateurs en somme. Le consommateur n’aurait pas à souscrire les dégâts d’eau ou le vol : risques fréquents qui font augmenter les primes et qui demandent une souscription plus attentive.
Il serait aussi intéressant de prévoir dans cette nouvelle loi un mécanisme similaire au Plan de répartition des risques automobiles (PRR) pour faciliter et favoriser l’accès au marché de l’assurance des consommateurs qui ont de la difficulté à s’assurer convenablement (enjeu qui sera présenté dans un autre texte).
Le débat est lancé et les questions se multiplieront : qu’elle limite responsabilité civile imposer ? sera-t-il facile de se magasiner une assurance ? comment convaincre les assureurs et les consommateurs du bien-fondé d’une telle loi ? qu’en penseront les groupes de pression à caractère social ? comment freiner les hausses de prime ? comment s’assurer du respect des règlements de la loi sans que l’État intervienne trop ? quels seront les impacts sur le Code civil et les tribunaux ?
Si une personne a les moyens de se payer une voiture et donc, l’assurance minimale qui doit être prise, ne peut-elle pas aussi souscrire une assurance qui viendra protéger son patrimoine et ses besoins essentiels ?
1- Extrait d’un article publié sur le site gaa.qc.ca.
2- Extrait d’un article publié sur le site infoassurance.ca.



Une réponse
Un sondage intéressant sur l’assurance habitation : http://journal-assurance.ca/2015/06/30/un-tiers-des-quebecois-ne-possedent-aucune-assurance-habitation/?utm_source=JA+-+Bulletin&utm_campaign=b66acdcd51-JA_RSS_Feed_Bulletin_quotidien&utm_medium=email&utm_term=0_5664e6aec9-b66acdcd51-103236773