Je viens de compléter la lecture de cet excellent ouvrage racontant avec minutie et professionnalisme la vie courte mais mouvementée de notre homme fort national : Louis Cyr. Il y a certes eu le film de 2013 mais je me suis d’abord intéressé à la biographie, plus complète, plus détaillée, plus proche de la réalité
A travers les pages, l’auteur nous amène évidemment dans l’univers sportif et personnel de Cyr, mais il y a plus : il nous propose aussi un cours d’histoire en accéléré en faisant le portrait du Québec de l’époque, c’est-à-dire celle de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle. Le Québec d’alors avait, comme ailleurs, ses propres problèmes : analphabétisme, émigration de masse, pauvreté relative, centralisation des pouvoirs à Ottawa, etc. Le Québec manquait aussi de héros populaires et de figures capables de rallier les foules. Il a été notre première véritable vedette internationale.
La famille de Louis Cyr a, elle également, quittée le Québec pour aller s’établir aux États-Unis, imitant donc des milliers de Québécois attirés par le rêve américain. La « grande saignée », comme nous l’appelons parfois, a bouleversé à jamais notre démographie et a transformé le visage de plusieurs villes états-uniennes. Encore aujourd’hui, il existe de nombreuses traces des vagues d’émigration qui après tant de décennies passées en sol états-unien ont vu nos compatriotes exilés être assimilés à la culture états-unienne : des noms de familles et de villes gardent toujours une résonnance canadienne-française ou catholique. Mais plusieurs noms de famille canadienne-française ont été anglicisés, le français s’est folklorisé et les institutions importées du Canada français se sont peu à peu éliminées d’elles-mêmes.
Les États de la Nouvelle-Angleterre ont ainsi accueillis une importante population française et catholique que l’on pouvait retrouver dans des villes comme Lowell, Lawrence et New Bedford au Massachusetts, Woonsocket dans le Rhode Island, Manchester et Nashua au New Hampshire, Biddeford et Lewiston dans le Maine. Ne soyez pas surpris d’y rencontrer de nos jours des Laviolette, des Leblanc, des Gauthier, des Lévesque…qui ne parlent pas le français et qui ignorent leurs racines canadiennes-françaises.
En somme, cette biographie nous fait comprendre bien des choses et met de l’avant un homme d’exception qui a su traverser les époques et se faire aduler par un peuple fier de son protégé. Et outre les détails très techniques de l’haltérophilie et d’une liste trop exhaustive des records accomplis par Cyr, elle figure parmi les meilleures biographiques sportives et historiques que j’ai pu lire. Entrer dans l’intimité de ce géant est un privilège à ne pas manquer.