Je me suis souvent demandé quel personnage historique j’aurais voulu rencontrer voire incarner. Un conquérant à la Jules César ? Un découvreur et un bâtisseur à la Samuel de Champlain ? Un militaire révolutionnaire à la George Washington ? Un chansonnier à la Félix Leclerc ? Un libérateur de peuple à la René Lévesque ? N’étant pas de nature aventureuse et n’ayant pas de courage politique et encore moins l’âme d’un artiste de talent, je me serais plutôt vu dans la peau d’un intellectuel ou d’un écrivain de renom comme de Tocqueville.
C’est pourquoi le beau roman biographique de Christine Kerdellant, Alexis ou la vie aventureuse du comte de Tocqueville, m’a énormément touché et plu. Tocqueville aura eu une vie somme toute trépidante axée sur l’écriture d’ouvrages ancrés dans l’imaginaire collectif. Un auteur devenu incontournable et dont le nom résonne encore aujourd’hui.
Tocqueville me ressemble beaucoup. Pas physiquement, évidemment, mais par sa personnalité complexe. Éternel angoissé et mélancolique, timide, terrifié à l’idée de devoir s’exprimer en public, il avait l’amour des livres et il était nourri par une folle curiosité intellectuelle. Il rêvait de devenir quelqu’un d’important et c’est par l’écriture qu’il pensait y arriver. Je me reconnais dans ce personnage rempli de doutes et d’inquiétudes.
J’admire sa carrière politique et son talent d’auteur et de raconteur. Son amour de l’écriture, son travail acharné et sa grande capacité d’analyse ont fait de lui un auteur visionnaire qui est entré dans la légende littéraire. Il ne se contentait pas, semble-t-il, de simples faits et d’opinions lancées arbitrairement sur sa table de travail : il allait au fond des choses, il voulait toujours en savoir plus, connaître les moindres détails, se soumettre à l’exercice du réel. Pensons à son inspirant voyage en Amérique qui est à l’origine De la démocratie en Amérique.
Selon Kerdellant, « l’écriture le faisait échapper aux douleurs de l’âme, elle lui permettait d’oublier ses faiblesses, de combler certains manques, de se réconcilier avec lui-même et avec les autres. Elle est son salut ». L’écriture me permet, moi aussi par ailleurs, d’oublier mes malheurs, mes angoisses, mes tourments.
Tocqueville a vécu, il faut le dire, à une époque très mouvementée de l’histoire de la France (le 19e siècle), ce qui forgea davantage sa légende. Homme de convictions et non d’ambitions, il s’intéressait d’abord à l’avenir et à la grandeur de la France.
Je jalouse un peu la vie de ce membre de l’Académie française, c’est-à-dire de cet homme adulé des femmes qui aura su développer un amour fusionnel avec une certaine Mary Mottley. C’est elle qui l’inspira et l’encouragea dans ses démarches littéraires et dans sa carrière politique.
J’aurais donc aimé être Alexis de Tocqueville, homme remarquable et charismatique de la France d’hier. Son succès, ses nombreuses conversations philosophiques dans divers salons parisiens, londoniens et états-uniens, de même que ses rencontres inoubliables et mémorables me poussent à l’envier énormément. Une vie qui fut toutefois trop courte puisqu’il est décédé à seulement 53 ans.
