Aux armes, citoyens

Aux armes, citoyens

Suite à l’épouvantable tuerie d’Orlando, je ne peux m’empêcher d’y aller de quelques observations bien modestes. Que faire pour que cesse les tueries de masse ? Pourquoi autant de violence ? Est-ce qu’il est justifié de créer un registre des armes à feu comme le propose le gouvernement Couillard ? 

D’abord, je m’oppose au projet de loi   je ne suis pas un chasseur, je ne possède aucune arme et je cherche pas à en avoir une, mes propos ne sont donc pas biaisés par un quelconque intérêt partisan.  

 « Toute arme à feu sur le territoire du Québec doit être immatriculée avec un numéro unique et inscrite à un fichier. Toute transaction concernant l’arme immatriculée doit être signalée. Les autorités pourront saisir l’arme en cas d’infraction. Les entreprises d’armes à feu devront aussi établir et mettre à jour un tableau de suivi des opérations relatives aux armes à feu en leur possession. Le projet de loi prévoit également des sanctions pour les contrevenants, jusqu’à 5000 $ pour un particulier et jusqu’à 15 000 $ pour les autres cas (1) ».

Si nos voisins états-uniens peuvent mettre le grapin facilement sur une panoplie d’armes, la situation est passablement différente au Québec. Un article publié le 22 juillet 2012 racontait que chez nous, acquérir une arme reposait sur un processus long et fastidieux.

« Le processus pour obtenir une arme à feu prohibée aux États-Unis est différent. Dans la majorité des cas, c’est beaucoup plus facile qu’ici. Au Québec, on ne peut pas avoir une arme à feu comme ça. Pour les armes restreintes, c’est tolérance zéro. Il faut être patient, car il y a beaucoup de bureaucratie (…) acquérir le droit d’acheter et d’utiliser ce type d’arme nécessite plusieurs démarches.
D’abord, les aspirants tireurs devront suivre la formation du Cours canadien dans le maniement des armes à feu à utilisation restreinte, dispensée par la Fédération québécoise de tir et qui dure une journée se terminant par deux examens. La plupart des gens demandent des cours pour aller travailler pour des agences de sécurité, les postes frontaliers ou les prisons…C’est une formation qui est obligatoire. Et il y a beaucoup de personnes qui cherchent tout simplement à joindre un groupe, un club de tir, car ils ont des amis qui y sont déjà. S’ils obtiennent 80 %, les candidats peuvent ensuite passer à l’étape suivante qui consiste en un examen similaire au premier, mais qui s’applique à l’ensemble des armes à feu.

Par la suite, en vertu de la Loi sur les armes à feu, la personne devra demander un permis de possession et d’acquisition auprès de la GRC qui fait une enquête, ainsi que la SQ, dans le cas du Québec. À cette étape, trois personnes doivent signer comme quoi le requérant est apte à mettre la main sur un tel objet. Il n’y a pas de recherches psychologiques serrées au bout de l’évaluation. C’est la signature des trois personnes qui fait foi que tu es un citoyen honnête et non violent. Elles attestent que tu peux posséder une arme à feu. Une personne peut signer et ensuite téléphoner à la GRC pour dire que ce n’est peut-être pas une bonne idée que cette personne soit en possession d’une arme à feu.
La Loi 9, en vigueur depuis 2008, et selon laquelle une formation de quatre heures est obligatoire, exige d’être membre d’un club de tir pour devenir éligible à l’achat d’une arme à feu restreinte. Une fois cette étape passée, la GRC doit délivrer un permis de transport d’arme à feu, valide uniquement entre le domicile et le club de tir. Le trajet doit être déterminé d’avance. Toutes ces étapes ne garantissent toutefois pas le droit d’être en possession d’armes. La SQ se garde beaucoup de latitude pour saisir une arme légalement enregistrée (2) ».

Ainsi, le Québec, comme à bien d’autres endroits dans le monde, est très attentif quand il s’agit du contrôle des armes. C’est quelque chose d’ancrée dans nos mœurs, dans notre mentalité collective, dans nos valeurs. Et c’est très bien ainsi. Malgré une surveillance accrue et une réglementation moins permissive, le risque zéro n’existe pas : le trafic d’armes n’est pas un phénomène anecdotique et il y a, ici aussi, un historique de tueries de masse et de violence gratuite (pensons par exemple à Denis Lortie, à Polytechnique, à Valery Fabrikant, à la guerre des motards, à la mafia, aux gangs de rue, etc.). 

C’est pourquoi un registre qui, au départ, semblait une idée dotée de bon sens, apparaît aujourd’hui comme étant un outil totalement dépassé, couteux et inutile. A-t-on vraiment besoin d’une autre patente à gosse gouvernementale ? Sous de bonnes intentions se cachent aussi une bien-pensance politique et un exercice de relations publiques insupportable. Il ne s’agit dans les faits que de se donner bonne conscience. 

Il ne faut évidemment pas passer sous silence les échecs répétés d’un modèle québécois qui est devenu le champion des dépassements de coûts. Le Québec croule sous la paperasse et la bureaucratie. Le gouvernemaman est partout, il nous taxe à l’infini, il nous infantilise, nous chouchoute, nous prend par la main. C’est le règne d’une social-démocratie qui peu à peu, nous nivèle vers le bas. La démocratie libérale devient autoritaire et prend des allures orwelliennes. 

Le gouvernement Couillard qui par ce projet de loi à saveurs de rectitude politique et de blabla politique gnangnan, veut laver plus blanc que blanc, il veut se montrer sensible, humain, progressiste. Sa pièce de théâtre politique n’a rien d’amusant : n’apprendra-t-il pas de l’expérience catastrophique du gouvernement fédéral [3] ?

Parlons des États-Unis. Le deuxième amendement de leur Constitution « garantit à tout citoyen américain le droit de porter des armes ». Cet amendement fait partie du Bill of Rights, document central de la vie politique et sociale de nos voisins du sud [4]. Les États-uniens ne sont pas des Canadiens : ils ont leurs propre histoire, leur propre héritage, leurs propres traditions, leurs propres enjeux sociaux, leur propre vision politique. Si pour eux, posséder une arme n’a rien d’exceptionnel, ainsi soit-il. C’est dans leur esprit un droit inaliénable. Ils ont la légitimité de le penser, que l’on soit d’accord ou non avec eux.

Bien sûr, la réalité révolutionnaire des années 1765 à 1791 n’a plus rien à voir avec celle des années 2000. Jadis, quand il s’agissait d’armes, nous parlions d’arquebuses, de pistolets, de mousquetons, de mousquets et de tromblons, bref d’armes à portée limitée, plutôt encombrante et à faible fréquence de tirs. Par exemple, la cadence de tirs du mousquet pouvait varier de 1 à 3 coups à la minute [5], ce qui est très peu si on la compare aux armes modernes, comme la Kalachnikov, qui va jusqu’à 600 coups par minute[6]. À l’aube de la Constitution américaine, recharger et utiliser une arme demandait de la minutie et de la patience. A cette époque, l’idée qu’un homme seul puisse tuer des dizaines de personnes en quelques minutes relevait de la science-fiction. 

Le but derrière le deuxième amendement se voulait défensif, c’est-à-dire qu’il assurait aux citoyens le droit de se défendre contre les abus du gouvernement. Plus de 200 ans plus tard, cette crainte de l’État semble cocasse puisque notre société a changée ; elle s’est largement dépolitisée tandis que les conflits ethnoculturels se sont multipliés et que le terrorisme a pris du galon. Les États-Unis ne sont pas à l’abri d’une autre guerre civile, ou d’un revirement historique qui rendrait l’État omnipotent.

En gardant en tête la volonté naturelle du peuple états-unien de vouloir être armé, est-ce qu’il serait plausible de restreindre l’accès aux armes à grande portée et à cadence rapide ? Pourquoi le citoyen ordinaire peut-il et veut-il posséder une arme d’épaule ou une mitraillette ? C’a ne fait aucun sens. Nous parlons ici d’armes militaires ou policières. En bannissant les armes les plus meurtrières tout en préservant les armes de poing, le deuxième amendement serait respecté et le nombre de massacres de masse pourrait, du moins en principe, diminuer. C’est un bon compromis, mais je spécule, car je ne suis ni un expert en sécurité nationale ni un citoyen états-unien. Le débat est toutefois intéressant. 

Rappelons que ce n’est pas l’arme qui tue mais celui qui appuie sur la gâchette : les autorités doivent se concentrer sur la santé mentale, le crime organisé, l’islamisme. Un registre ou un contrôle absolu des armes n’aurait malheureusement rien changé au drame d’Orlando ni aux autres.

[1] Cet extrait du projet de loi sur retrouve sur le www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-64-41-1.html.
[2] Extrait d’un article publié le 27 juillet 2012 sur lapresse.ca.
[3] A propos du registre fédéral : « Estimé au coût de 2 millions au départ, il totalise environ un milliard en 2006, soit 500 fois le montant initial. Bien qu’il soit un programme gouvernemental, ce dépassement de coût est considéré excessif par plusieurs ».
Source : wikipedia.org/wiki/Registre_canadien_des_armes_feu.
[4] Adoptée par la Chambre des représentants le 21 août 1789 et par le Congrès le 26 septembre suivant, il est ensuite ratifié progressivement par les États fédérés et prendra effet officiellement le 15 décembre 1791, date de la ratification par la Virginie.
Source : www.archives.gov/exhibits/charters/bill_of_rights_transcript.html.
[5 et 6] Je vous invite à visionner le armae.com/moderne pour en savoir plus. 

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