La majorité historique québécoise, les Canadiens français, perd du terrain. Son poids politique s’amenuise. Les changements démographiques se font sentir. À travers le Canada, il va sans dire, mais également sur son propre territoire. À commencer dans la région métropolitaine (Montréal, Laval, Brossard). Le Québec est victime, comme partout ailleurs en Occident, des méfaits du mondialisme (et de ses dérivés que sont le multiculturalisme, l’immigrationnisme et le sans-frontiérisme). Notre situation de peuple minoritaire sur un continent nord-américain anglo-saxon nous rend encore plus vulnérable. L’immigration massive que nous subissons dénature notre esprit collectif et changera à jamais le visage de nos villes. Les ghettos se multiplient. Les accommodements religieux aussi. La révolution tranquille, par la mainmise de la gauche laïcarde sur l’État, nous aura éloignée de notre héritage catholique. L’individualisme généré par la société de consommation et les appels répétés aux libertés individuelles auront également bouleversés la société occidentale. C’est maintenant chacun pour soi. Il n’y plus vraiment de noyau commun ni d’âme collective. Ou si peu.
Le catholicisme serait donc de trop en cette ère mondialiste. La mort programmée du peuple canadien-français ne se résume pas à une seule cause : elle est plus complexe. Le mondialisme fragilise le tissu social que nos ancêtres ont bâti avec tant de courage et d’ardeur. Il est vrai que les périodes d’émigration du 19e siècle et du 20e siècle ont contribuées, bien involontairement, à nous affaiblir, mais il y a plus. La déchristianisation, et tout particulièrement celle du Québec, aura été l’un des points tournants de l’histoire occidentale moderne. Chez nous, elle s’est concrétisée avec les gouvernements qui se sont succédés à partir des années 60 ou autrement dit, avec la fin du duplessisme. Le catholicisme, qui nous accompagne depuis les débuts de la Nouvelle-France, a été le fer de lance, la pièce maîtresse de notre épopée en Amérique. Il fût parfois autoritaire et sévère (pour plaire au conquérant britannique et pour parfaire son emprise) mais il a toujours été là pour nous. Il nous rassemblait, nous définissait, nous comprenait. Il a été aux premières loges de notre survivance linguistique et culturelle. Sans lui, nous serions aujourd’hui autre chose. Quoi au juste ? Des Canadiens anglais ? Des États-uniens ? Des Cajuns ? Difficile à dire, mais il y a une certitude : nous ne parlerions plus français, notre destin aurait été celui de la Louisiane ; le Canada français serait devenu une relique de l’histoire humaine, une forme sympathique de folklore ; il ne resterait que des miettes de notre belle aventure en sol nord-américain.
Le clergé lutta pour préserver notre langue, notre culture, notre unicité. Mais avant tout, ce sont ses valeurs, transmises de génération en génération, qui auront fait ce que nous sommes : l’importance de la famille et des traditions, la solidarité, le respect, l’honneur. C’est par notre « revanche des berceaux », inspirée par les curés de nos villages, qui aura pavé la voie à l’épanouissement d’un peuple canadien-français tissé serré. Nos défaites, nos souffrances, nos peurs et nos reculs, se voyaient minimisées par une fécondité exponentielle. Une population française et catholique en pleine ébullition sortait de terre pour conquérir le monde. La démographie aura donc toujours été pour nous un enjeu capital. Notre lutte était, est et sera démographique.
Le caractère maintenant exclusivement laïque du Québec a de quoi nous attrister. Nous avons perdu un point de repère ou une boussole. Avec la laïcité est venue la fermeture de nos églises, de nos presbytères – il n’y rien de plus beau que ces témoins du passé. Mais nos symboles tombent un à un, nos traditions battent de l’aile, notre patrimoine bâti s’écroule tout doucement. Cette déchristianisation décomplexée a chassé la religion catholique de notre quotidien, de nos écoles, de nos institutions publiques et a fragilisé notre rapport avec notre passé et nos traditions. Le catholicisme a forgé notre force de caractère, il a développé notre sens du devoir et de l’honneur, il nous outillé intellectuellement, il nous inculqué une moralité à toute épreuve. Le Québec n’a plus, comme partout en Occident par ailleurs, cette moralité si chère à nos ancêtres bien-aimés. Il n’a plus de base morale, celle qui était derrière son identité, sa culture, ses valeurs, sa grandeur.
Le Québec est atteint en plein cœur. Il a perdu ce petit quelque chose qui le rendait si unique, si courageux, si fier, si déterminé, si profondément enraciné. La social-démocratie « à tout prix » héritée de la Révolution tranquille progressa avant d’arriver à nous en 2020 sous sa forme presque achevée, rendant notre destin incertain – notre destin, chambranlant depuis 1759, constamment au bord du précipice, est plus sombre que jamais. Le catholicisme, bien qu’imparfait, savait rallier notre peuple. Mais sans sa présence rassurante, nos mœurs et nos habitudes ont changées. L’industrialisation et le capitalisme y ont participés en insufflant un vent tapageur de type « consommation à crédit ». Tous veulent le nouveau téléphone, le nouveau gadget à la mode, des vêtements griffés, voyager outremer, le déco parfaite pour la maison. Une société superficielle a poussée dans les ruines du catholicisme. Et dans ce contexte, où la révolution sexuelle a fait son nid et où la pilule contraceptive et l’avortement modifièrent les perceptions que nous avions de la famille, de la société et de la vie en générale, avoir des enfants devenait un fardeau économique et un frein aux libertés individuelles : l’individualisme (l’égoïsme) qui remplace la collectivité et l’esprit de famille, « l’enfant-roi » qui supplante les familles nombreuses.
C’est le règne d’une social-démocratie qui bouscule tout sur son passage. Les valeurs d’autrefois deviennent anachroniques : c’est maintenant la pornographie, le plaisir à tout prix, la surconsommation, l’avortement à volonté, l’aide médical à mourir, la légalisation de la marijuana, le transhumanisme. S’opposer à certains enjeux normalisés fera de vous un paria : marginalisation politique, ostracisation publique, acharnement médiatique, étiquettes lancées, censure. C’est le « consensus » à l’œuvre, celui qui possède la Vérité, celui qui n’aime pas débattre, celui qui a toujours raison, celui qui est inflexible. Les politiciens qui se disent conservateurs n’osent plus ouvrir la bouche de peur d’être victime d’une campagne de salissage. Les politiciens, et tout particulièrement les politiciens de carrière, suivront la vague et resteront silencieux par lâcheté, par peur de représailles, par partisanerie, par soif du pouvoir. Le politicien moderne est passé maître dans l’art de s’autocensurer.
L’Occident n’a que lui à blâmer pour sa déchéance. Son hédonisme et son état pusillanime le rendent insupportable. Il accueille le monde entier et s’efface lui-même. Son sol ne lui appartiendra bientôt plus du tout. Les immigrants qui s’installent chez nous le font sans vouloir s’intégrer. En fait, ils se moquent de notre histoire et de notre culture. Ils veulent vivre leur vie comme ils l’attendent. Le multiculturalisme canadien le permet et pire, les encourage à le faire.
Notre lutte comporte tant de facettes qu’il est facile de s’y perdre. Commençons par prendre conscience du désastre qui se dessine puis, peu à peu, rallumons la flamme patriotique pour que dans un avenir rapproché, les Canadiens français se réapproprient leur État, leur sol et leurs rêves.