La campagne électorale est enfin terminée. Elle fût rude, intense, pas toujours propre, un peu comme dans un match de hockey où les mises en échec, les coups salauds et les commentaires assassins se bousculent.
Philippe Couillard devient ainsi le nouveau Premier ministre du Québec suite à la déconfiture du PQ et du gouvernement sortant de Pauline Marois. Le poste qu’occupera le chef libéral n’est pas celui d’une province canadienne ordinaire : le Québec est le bateau amiral d’une nation canadienne-française unique mais fragile et isolée dans une mer anglo-saxonne et assimilatrice.
Évidemment, la victoire libérale a de quoi inquiéter tout nationaliste. On le sait maintenant trop bien, le PLQ a renié son patriotisme passé pour embrasser le mondialiste et ses dérivés que sont le multiculturalisme et l’immigrationnisme. L’arrivée de Couillard sur le siège de Premier ministre dotera le Québec d’un ardent défenseur du régime fédéral. Mais bon, peu importe la couleur politique d’un nouveau gouvernement, il faut lui donner le temps de faire ses marques et de voir de quoi il est capable. Nous pouvons toujours espérer que Couillard épouse une forme modérée de nationalisme plutôt que d’y aller à fond dans un fédéralisme agressif.
Que retenir ?
La politique est imprévisible comme jamais. Si la présente élection en est une preuve de plus, on peut aussi revenir quelques années en arrière pour saisir l’ampleur du phénomène : par exemple la poussée impressionnante du NPD de Jack Layton de 2011 et celle de l’ADQ en 2007. Le futur n’est pas écrit à l’avance, pourrait-on dire, surtout en politique où les pelures de bananes sont nombreuses, où les réseaux sociaux prennent de plus en plus de places, où l’influence des médias traditionnels est indéniable, où un enjeu surprise peut venir chambarder les plans et où une crise sociale n’attend pas l’autre. Mêmes les meilleurs analystes et commentateurs ne peuvent prévoir certaines tendances, certaines vagues ou un ras-le-bol populaire.
Nous pouvons voir, suite aux résultats d’hier, que le mouvement souverainiste en sort meurtri – le discours de peur du PLQ sur un éventuel référendum a, encore une fois, été efficace. L’insupportable recette libérale porte fruit, mais pour combien de temps car les Québécois, un jour ou l’autre, se tanneront de ce disque usé.
Si PQ doit, lui, pour rester en vie, maintenir haut et fort un nationalisme qui est au cœur de son action politique, il faudra qu’il sorte tôt ou tard de son obsession référendaire (de son « référendisme » en somme) et de son prisme gauchiste bon chic bon genre. Le Québec peut faire des gains rapides sans se risquer à une autre défaite référendaire puisqu’il faut se l’avouer : il ne suffit plus de promettre un référendum pour ensuite le perdre, il faut le gagner et donc, ne plus proposer un référendum simplement pour en faire un. La venue de PKP a frappé l’imaginaire et a replacé le référendisme improvisé du PQ à l’avant-scène – ce qui lui fut fatal.
Le mouvement souverainiste aurait aussi avantage à redevenir une coalition de nationalistes et d’indépendantistes de gauche et de droite. A l’heure actuelle, il ferme la porte aux anciens « bleus », au conservatisme et aux droitards identitaires qui dans bien des cas, ne demanderaient pas mieux que de rassembler autour d’un seul parti pour qui la question nationale est au centre du programme.
L’humeur changeante des Québécois a de quoi surprendre. Ils viennent de remettre au pouvoir un parti qui a laissé le Québec dans de sales draps après presque dix ans de gouvernements Charest : endettement public, copinage et corruption, une bureaucratie qui prend de l’ampleur, des services publics déficients et inhumains, du maternage en masse, un interventionnisme étatique exagéré, un fardeau fiscal étouffant, la crise des accommodements religieux, un fédéralisme tonitruant, un immigrationnisme inquiétant qui menace le tissu social et qui prépare une crise du logement, des infrastructures en ruine, une justice molle, etc. L’intermède péquiste a-t-il déjà fait oublier le bilan catastrophique des libéraux tandis que plusieurs membres du cabinet Charest feront aussi partie de l’équipe Couillard ?
La Coalition Avenir Québec a, elle, évité le pire. Elle a profité de la chute vertigineuse du PQ, celle qui a entre autres remis le PLQ au pouvoir. Les droitards peuvent maintenant espérer des jours meilleurs car il apparait évident que l’axe souverainiste-fédéral tire à sa fin. Il est néanmoins souhaitable que le nationalisme plus identitaire, plus vrai, plus concret, de type duplessiste remplace le nationalisme civique et pépère à la sauce péquiste et bloquiste. La CAQ, si elle joue bien ses cartes, peut aspirer à une prise du pouvoir prochaine : son programme doit ressembler à celui de l’ADQ, autrement dit il doit reposer sur un axe autonomiste et un programme économique et social moins à gauche et plus terre à terre. Elle aura à devenir une alternative crédible au PLQ si en 2018, le gouvernement libéral désespère les Québécois. Elle profitera donc des quatre prochaines années pour étoffer son programme et travailler à former une équipe de qualité – elle ne doit surtout pas répéter l’erreur de Mario Dumont qui en 2008 a dérogé de son message plus conservateur pour tenter de plaire à tous en recentrant son discours et en s’exerçant à une forme de rectitude politique ; l’ADQ a donc fait fuir son électorat naturel sans pouvoir attirer certains gauchistes trop bien au sein du PQ ou du PLQ.
Et que penser de la réaction du gouvernement fédéral qui doit applaudir devant ce changement de gouvernement voire de paradigme ? La menace indépendantiste est mise de côté…pour l’instant.