Libéralisons l’industrie du taxi

Libéralisons l’industrie du taxi

C’est le sujet de l’heure : Uber est partout, avec ses partisans et ses détracteurs. Que faire, que faut-il en penser ? Enjeu complexe, réponses difficiles. 

L’industrie du taxi vit elle aussi ses problèmes. Les nouvelles technologies et les nouveaux gadgets bouleversent nos vies et nos habitudes. Le train est en marche et personne ne peur l’arrêter. Il faut savoir s’adapter  c’est vrai pour  les individus, les entreprises, les gouvernements, les médias, les institutions et les industries. En affaires, si tu ne t’adaptes pas, tu meurs. Les exemples ne manquent pas. 

L’industrie du taxi n’est pas différente des autres. Par contre, son sort, contrairement à certaines industries, ne dépend pas que d’elle : la mainmise du gouvernement québécois est devenue avec le temps catastrophique. L’État est passée maître dans l’art d’intervenir dans nos vies. C’est un classique. 

Uber contourne les règles actuelles, on ne peut pas le nier : les conducteurs qui utilisent cette application mobile ne possèdent pas, pour le moment, d’un permis d’exploitation en bonne et due forme, ils ne participent donc pas au « régime » instauré par un État aux mains longues qui fait de lui le grand responsable du bordel actuel. Quand l’État s’immisce dans quelque chose, on le sait, c’est un échec assuré, ou presque. C’est la social-démocratie à l’œuvre. 

L’injustice qui est ici en jeu repose sur le prix parfois très élevé payé par les conducteurs de taxi dit traditionnel pour obtenir leur permis, alors que les conducteurs d’Uber ont, eux, rien à débourser. Au Québec, tout comme ailleurs dans le Canada, le gouvernement réglemente le nombre de permis de taxi sur le marché.

« L’île de Montréal peut avoir seulement 4522 permis. Notre-Dame-de-Pierreville, une petite municipalité de 2000 résidants située à environ 130 kilomètres de Montréal, n’en a que deux [1] ». 

Au moment d’écrire ces quelques lignes, obtenir un permis de taxi requiert d’y investir une petite fortune. Et c’est sans compter les coûts liés à l’achat et à l’entretien d’une voiture. C’est le principe de l’offre et de la demande qui dicte le marché des permis gouvernementaux. La personne qui souhaite donc devenir chauffeur de taxi traditionnel doit faire face à des obstacles importants. Le but n’est pas ici d’expliquer en profondeur ce processus long, onéreux et complexe mais de militer pour une libéralisation de l’industrie du taxi – seule alternative crédible et réaliste.

Une étude publiée le 21 novembre 2014 par l’Institut économique de Montréal vient valider le besoin criant d’une mise à jour complète de ce système en pleine déroute.    

 « Il faut abolir ce permis de taxi qui freine le développement technologique de l’industrie. Ces permis représentent le plus grand obstacle à l’implantation de nouvelles technologies de covoiturage, tels qu’UberX, qui auraient de nombreux effets bénéfiques pour les chauffeurs et les clients. Les années 1970 sont terminées, mais la réglementation ne prend pas compte de possibles changements que les nouvelles technologies pouvaient amener, termine Vincent Geloso, coauteur du rapport. Le seul obstacle concret à l’adoption de ces nouvelles technologies est le système largement répandu des permis de taxi (permis d’exploitation). Il est impossible d’entrer dans l’industrie du taxi sans acquérir un tel permis ou en louer un d’une personne qui en est détentrice.

Actuellement, à Montréal, le prix d’un permis est d’environ 200,000$. La concurrence accrue que suscitent les applications de covoiturage commercial fait diminuer la valeur de ces permis. Les chauffeurs de taxi qui comptent sur leur permis en tant qu’actif garantissant leurs vieux jours considéreront à juste titre toute détérioration dans leur valeur comme une menace à leurs perspectives de retraite.

Cette dynamique explique la résistance de l’industrie du taxi. Néanmoins, les avantages potentiels du covoiturage commercial sont si grands qu’il serait économiquement plus efficace pour tout le monde de résister à la tentation de bannir ou de trop réglementer ces nouveaux services et d’indemniser plutôt les chauffeurs de taxi d’une partie de leurs pertes. Par la suite, l’entrée sur le marché du transport urbain serait libre. Ceci améliorerait aussi la vie des plus jeunes chauffeurs de taxi qui, exemptés des lourds intérêts sur les prêts qu’ils auraient eu à contracter pour acquérir un permis, pourraient faire concurrence en réduisant leurs tarifs sans diminuer leur niveau de revenu. Les applications de covoiturage commercial sont susceptibles de révolutionner le secteur du transport personnel en milieu urbain et d’améliorer grandement la qualité de vie des citoyens. Une politique économique appropriée ne devrait pas empêcher leur adoption par les consommateurs tout en indemnisant ceux et celles qui subiront les conséquences d’une réglementation gouvernementale devenue désuète [2] ». 

Libéraliser le taxi ne sera pas une mince affaire. Changer les mentalités demande du temps. Un marché libre, sans prix plancher, nous éloignerait, en principe, de toute forme d’inégalité législative. Mais avant toute chose, il faudra racheter, comme le précise Geloso, les permis détenus par les conducteurs de taxi d’aujourd’hui. Comme leurs prix fluctuent, il devient compliqué d’y mettre une valeur pouvant satisfaire tout le monde. Certaines études parlent d’une dépense totale avoisinant 750 millions voire un milliard de dollar pour le gouvernement québécois. C’est un projet sérieux qui demandera du doigté et du leadership. C’est rêver en couleur quand on pense à l’état pusillanime de notre classe politique. Nous parlons ici évidemment d’une somme colossale pour un gouvernement qui doit maintenir, le plus possible, l’équilibre budgétaire. Mais remettre de l’ordre dans cette industrie moribonde n’est plus une option, c’est une obligation. La responsabilité financière du gouvernement doit l’amener à couper ailleurs, ce qui entrainera inévitablement des choix politiques et du courage politique. Je suis ici dans la politique fiction. 

En intervenant ainsi partout, le gouvernement québécois est l’artisan de son propre malheur (et du nôtre). En plus de l’atteinte à nos libertés individuelles, il augmente le fardeau fiscal des Québécois qui en échange, n’obtiennent que des services publics médiocres et inhumains.  

La libéralisation de l’industrie du taxi ne veut pas dire un laisser-aller absolu sans aucune règle. Il est possible d’encadrer l’industrie sans l’étouffer, sans brimer la libre entreprise ou le libre marché. Il faut des mesures pour s’assurer de la sécurité de la population et du respect des lois fiscales (payer ses impôts, etc.) Mais oublions les règles arbitraires et trop bureaucratiques. Le gros bon sens doit l’emporter.  

[1] Extrait d’un article publié le 19 juillet 2015 sur lapresse.ca.
[2] Le rapport est disponible ici : http://www.iedm.org/files/lepoint0714_fr.pdf.

 

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